Sur le pont : Reuben Qaunaq

Reuben Qaunaq a participé à l’expérience « Tall Ship Expeditions Canada » qui a traversé les Grands Lacs en juillet. Discussion « Sur le pont » avec le jeune navigateur d’Iqaluit, au Nunavut, à quelques jours de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation qui aura lieu jeudi.

Peux-tu nous donner plus de détails au sujet de cette expérience?
Les expériences « Tall Ships Expeditions Canada » sont un camp d’été pour les jeunes de 13 à 18 ans qui désirent apprendre à comment naviguer sur les grands voiliers et les apprentis restent à bord pendant une semaine. Par la fin de la semaine, les apprentis ont acquis beaucoup d’habiletés pour naviguer un grand voilier ou un bateau à voile.

Comment s’est passé votre expérience?
Mon expérience à bord du bateau a été incroyable et m’a ouvert les yeux sur moi-même et sur les autres Nunavois. J’ai pu rencontrer et apprendre tellement des différents parcours de vie dont spécialement ceux des membres d’équipage.

C’était ta deuxième année consécutive à participer à l’expérience « Tall Ship Expeditions Canada », cette année comme instructeur pour les apprentis, en partageant les habiletés nécessaires pour être sur le bateau. Qu’as-tu enseigné exactement?
Cette année, j’ai pu revenir en tant qu’officier. J’ai pu enseigner à tellement de jeunes cet été! Je leur ai enseigné des habiletés de base comme le déploiement et le roulage des voiles en grimpant. J’établissais également des stations afin que les gens dans celles-ci puissent tirer les voiles ou les bouger à tribord ou à bâbord.

Qu’est-ce que cette expérience vous a enseigné?
Ce que j’ai appris de cette expérience est que mon temps est si précieux et que nous pouvons tellement faire de chose en peu de temps que nous avons. De plus, j’ai appris qu’il y avait tellement de choses dans la vie que nous ne voyons pas dans le vrai monde.

Tu disais que cette expérience avait changé ta vie. Pourquoi?
Cette expérience a changé ma vie parce que j’ai pu visiter tellement de places et apprendre de nouvelles choses de différents parcours de vie. J’ai également pu travailler avec le meilleur équipage que j’ai jamais eu et qui se souciait vraiment de moi et me comprenait de différentes façons, spécialement puisque je viens d’une petite ville. Cela a permis d’être plus facile pour moi et je me sentais comme à la maison!

Douze autres jeunes du Nunavut ont également participé à cette expérience cette année. T’ont-ils vu comme un mentor?
Tous ces gens du Nunavut se sont basés sur mes connaissances et ils m’ont fait confiance de plusieurs façons. J’étais très content de partager mes connaissances à mes gens (Inuit) pour que, dans le futur, les habiletés puissent être très utiles pour ces jeunes et je sais qu’ils partageront ces connaissances à nos futurs enfants afin qu’il y ait plus de voile au Nunavut.

Comment avez-vous payé les coûts de voyagement afin de participer à cette expédition?
Le Fonds Ayalik a pu couvrir les frais relatifs à mes vols d’Artic Bay, au Nunavut, à Ottawa, avec un billet de retour. De plus, l’an dernier, alors que j’étais un apprenti, le Fonds Ayalik a tout pris en charge incluant tous ceux du Nunavut qui ont fait de la voile sur le fleuve St-Laurent en 2022.

As-tu fait de la voile avant?
Je n’avais aucune expérience en voile l’an dernier et c’était ma toute première fois dans un voilier. En fait, c’était ma première fois sur un bateau. Je n’avais aucune connaissance mais maintenant, j’ai appris et tout vu de ce qui se passait à bord.

Peux-tu nous parler davantage de ta communauté?
Je suis né et j’ai grandi dans une très petite ville, Artic Bay, au Nunavut, où la population est de 1000 personnes. Nous avons seulement deux magasins qui sont très chers et tout le monde connaît tout le monde ici à Artic Bay. C’est très beau et paisible ici où les gens y vivent depuis plus de 5000 ans. Notre culture est très forte et notre langue est encore très forte également.

Comment as-tu initialement été intéressé par la voile?
J’ai été intéressé à la voile parce que j’avais besoin de nouvelles habiletés à apprendre et de m’ouvrir au monde. Je ne savais pas que ce serait la voile, mais je planifie que ce soit ce sport pour toujours!

Y a-t-il beaucoup de personne dans ta communauté qui fait de la voile?
Je suis le seul navigateur en voile dans ma communauté.

Jeudi est la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Qu’est-ce que ça représente pour toi?
La plus grande chose que vous pouvez faire en tant qu’individu, pour commencer, est d’évaluer votre propre parti pris. Chaque personne a un parti pris implicite. Ce sont des choses que nous avons apprises, qui sont inconscientes et qui restent dans notre esprit, mais qui ont un effet incroyable sur comment nous expérimentons et interagissons avec le monde. Quand vous pensez à une communauté ou un individu autochtone, quels stéréotypes viennent dans votre esprit? Pourquoi avez-vous ces stéréotypes? D’où viennent-ils? Et, plus important, comment vous pouvez combattre ces pensées implicites pour vous assurer que vous agissez d’une base de vérité et de réconciliation dans votre vie de tous les jours.

As-tu eu à faire face à des défis lors de ton développement en tant que navigateur?
Je peux vous assurer que le problème numéro 1 est la vigilance. Vous devez faire des concessions sur le repos et vous devez toujours être prêt, toujours être à l’affût et toujours vous entraîner et être entraîné.

Les petits bateaux ont de petits équipages, ce qui signifie que tout le monde doit être prêt pour remplacer quelqu’un si celui-ci commencerait à avoir des problèmes. Et vous aurez des problèmes! La mer est impardonnable et les gens perdent leurs habiletés lorsque le stress embarque. Mais vous devez toujours être stressé : les tempêtes, les vagues, les accidents, les maladies, la méfiance, les pirates, les problèmes mécaniques, les brèches de coque, les erreurs de navigation, les cahiers de notes mal rédigés, tomber endormi lors de la garde, les feux et, évidemment, vous n’êtes qu’à une vague de tomber à l’eau ou de chavirer.

Qu’aimes-tu de la voile?
Quand vous êtes sur l’eau, vous avez un sens débridé de liberté et d’opportunité alors que vous pouvez toujours continuer de voir ce qu’il y a de l’autre côté de l’horizon. Non seulement vous sentez une forte connexion aux éléments et à la nature, mais au monde entier. Je suppose que quelqu’un pourrait dire la même chose d’une marche en forêt également, mais ce n’est juste pas la même chose alors que, pratiquement à chaque fois que tu fais de la voile, quelqu’un a suggéré (surtout en plaisantant) que « vous ne réalisez pas que vous pouvez seulement vous diriger dix degrés à l’ouest et continuer d’être de l’autre côté de l’Atlantique » ou quelque chose d’équivalent. Ce sentiment de liberté n’existe pas sur la terre.

En plus de ça, d’une quelconque façon oxymore, vous vous sentez isolé de n’importe quoi d’autre. Les règlements et les routines de la vie de tous les jours ne s’appliquent plus de la même façon. Un exemple est que la plupart des bateaux sont assez petits pour être appelés « cramped » (à l’étroit). Vous êtes toujours en contact constant avec les autres personnes sur le bateau. Vous apprenez de ces gens également, alors que d’être dans un bateau révèlera inévitablement la vraie nature de vos collègues d’équipage. J’ai vu des bagarres se produire en raison de choses absolument insignifiantes, mais plus souvent qu’autrement, j’ai vu des amitiés éternelles se créer en travaillant ensemble afin d’accomplir un objectif commun. Si vous naviguez assez longtemps avec quelqu’un, vous savez son processus de pensée, au point de pouvoir presque avoir un lien télépathique.